Bsartek Abu Dhabi

par Mathieu César

Je suis né le 3 mai 1987.
En même temps que le bonheur de ma mère, ce même jour a illuminé la victoire de Nigel Mansell au Grand Prix d’Italie. Je suis donc un enfant de la Formule 1 qui, 30 ans après, a toujours gardé la trace indélébile de cet âge d’or... Je pense bien sûr à Alain Prost et sa voiture bleue, à Ayrton Senna et son regard ténébreux dans son casque si reconnaissable. Enfin, bien sûr, il y avait cette dimension chevaleresque.

Je me souviens des retransmissions TV avec ces caméras VHS qui donnaient aux couleurs cette touche délavée des années 80. Je me souviens du jeu Nigel Mansell en noir et blanc sur ma petite GameBoy avec laquelle je jouais dans la vieille Mercedes de mon père. Avec le mouvement de la voiture, ma console entre les mains prenait l’aspect d’un simulateur et ça me faisait rêver. Je me souviens d’ailleurs que dans ce jeu il y avait quelque chose qui me rendait fou: ils avaient réussi à modéliser en deux dimensions le tunnel du Grand Prix de Monaco et ça me paraissait incroyable pour l’époque !

Cette période c’était aussi les heures à glander dans un lavomatique près de Rouen avec mon père. Il y avait à l’intérieur, ce portrait de Prost qui me servait de cible pour passer le temps. Je me souviens du bruit des paires de chaussettes humides sortant de la machine que je faisais claquer contre le mur. 100 points pour le nez, 50 pour la bouche, 10 pour le reste du corps.

Quelques années ont passé. Jeune adolescent avec un ressenti plus populaire, je suis passé du côté fan. Je me souviens de mon voisin Christian Mercier pour qui la Formule 1 était devenue une religion. Il avait sa casquette “Schumi” vissée sur la tête et je pouvais l’écouter parler pendant des heures tellement il maîtrisait parfaitement son sujet. C’était les débuts du jeune Fernando Alonso, des années glorieuses de Renault, c’était Massa chez Ferrari, c’était Kimi et Barrichello.

Puis, j’ai quitté cette région, je suis venu à Paris et là plus de Formule 1, ça m’a quitté, disparu...

Quelques années plus tard un ami, Thomas, me présente Romain. Romain est pilote de F1 et tous mes souvenirs commencent à refaire surface. Je décide de mêler mon univers chevaleresque au sien. Cela donne quelques photos mais surtout la découverte de la F1 moderne, technologie presque chirurgicale ou chaque pièce et chaque personne à un rôle précis et précieux.

L’esprit de mon enfance est bien toujours là, mais il a fusionné au fil du temps avec d’autres thèmes que j’affectionne comme l’aéronautique. Quand je regarde les Formule 1 d’aujourd’hui je vois Dark Vador monter dans son Tie Fighter, je vois Neil Armstrong et Buzz Aldrin dans leur capsule en route pour aller fouler le sol lunaire.

Aujourd’hui, j’ai photographié toutes les légendes de ce sport, de Jackie Stewart à Niki Lauda en passant par Alain Prost.

Alain Prost... Un jour je lui raconterai l’épisode des chaussettes humides et de la cible-poster dans le lavomatique, à Rouen, avec mon père.

« Quand je regarde les Formule 1 d’aujourd’hui je vois Dark Vador monter dans son Tie Fighter, je vois Neil Armstrong et Buzz Aldrin dans leur capsule en route pour aller fouler le sol lunaire. »
Sabri Bendjabar